Halloween

Ou le retour des clients fantômes…

Une collègue s’inquiétait récemment sur un forum de traducteurs d’avoir vu l’un de ses clients s’évaporer dans la nature en la laissant avec des impayés d’environ 700 EUR. Aucune réponse à ses appels ni à ses courriels. Ses factures lui sont revenues : aucune entreprise de ce nom à l’adresse indiquée. Le siège de l’entreprise se trouvant à l’étranger, aucune possibilité pour elle de vérifier si l’adresse qui lui a été fournie est simplement erronée ou si elle est carrément bidon. Seule solution : retrouver l’entreprise grâce à son numéro de TVA. Pour autant qu’il existe réellement.

Pour les clients implantés dans l’Union européenne, une telle recherche est possible sur le site « Fiscalité et Union douanière » de la Commission européenne. Il suffit de sélectionner le pays et d’entrer le numéro de TVA pour obtenir le nom et l’adresse de l’assujetti.

On ne saurait trop conseiller à tous les indépendants et entreprises de vérifier l’exactitude de ces données avant de conclure un contrat avec un nouveau client !

Pour les agences de traduction, pour rappel, il existe quelques autres solutions pour se renseigner sur un prospect :

– le BlueBoard de ProZ
Payment Practices (anglais)
Betaalmoral (néerlandais)- Zahlungspraxis (allemand)

À lire aussi, l’article de Riccardo, sur le blog About Translation.
Comme quoi, pas besoin d’être « pris pour être appris » (comme on dit à Mons).

Collectif ? Inconscient !

Loin de moi l’idée de me lancer dans la psychanalyse (quoique j’aie récemment lu un fort mauvais roman « policier » mettant en scène le voyage de Freud aux États-Unis en 1909). Non, en fait, cette note parle plutôt des avantages et des inconvénients du travail « collaboratif » en traduction, et plus particulièrement, des mémoires de traduction « collectives ».

Pour ceux qui ne connaîtraient pas le concept, une mémoire de traduction, c’est une sorte de base de données qui, grâce à une macro ou à un logiciel spécial, stocke automatiquement des « segments » d’un texte (généralement une phrase), en mettant en correspondance le texte d’origine et sa traduction. Quand, plus tard, un « segment » identique ou présentant une certaine ressemblance se présente (dans le même document ou dans un autre), le logiciel « extrait » le segment stocké et propose la traduction enregistrée. Il ne reste plus au traducteur qu’à la valider telle quelle ou à la modifier en fonction des différences dans le texte d’origine ou du contexte.

Inutile de vous dire que sur certains types de textes très répétitifs ou très ressemblants, cet outil peut offrir un réel gain de temps. Généralement doté d’une fonctionnalité de recherche « en contexte », il permet aussi de garantir une plus grande cohérence terminologique, puisque le traducteur peut vérifier comment il a traduit un certain terme 150 pages « plus haut » (ou deux ans avant) et réutiliser la même traduction. Sans compter que l’on peut bénéficier de toutes les traductions réalisées par un ou plusieurs traducteurs (les bureaux de traduction se chargeant généralement de compiler les travaux de leurs « pools ») sur un même sujet ou pour un même client. Bref.

Ces dernières années, certains éditeurs de logiciels et bureaux de traduction ont cherché à améliorer le concept en proposant des solutions « collaboratives » en réseau (au départ sur Intranet et désormais sur Internet). Ainsi, dix traducteurs peuvent travailler simultanément sur un même projet et alimenter en temps réel une mémoire de traduction commune à tous.

A priori, l’idée semble plutôt bonne :

1. Il y a plus dans dix têtes que dans une. On peut donc bénéficier des trouvailles des collègues et parfois récupérer des formules nettement plus adéquates que celles que l’on avait trouvées soi-même. En temps réel. Pas deux ans après.

2. Il est parfaitement inutile de retraduire ce qui a déjà été – bien – traduit si le contexte ne l’exige pas. Même si c’était par quelqu’un d’autre et seulement 2 minutes plus tôt. Chacun bénéficie donc du travail et des recherches de tout le monde.

3. Les traductions sont plus cohérentes, ce qui simplifie la vie des relecteurs chargés  d’harmoniser entre elles les différentes parties d’un projet. À titre d’exemple, pensez au nombre de solutions qui existent pour traduire la simple phrase « For more information, see section blahblah » (« Vous trouverez de plus amples informations à la section blabla », « Pour plus d’informations, reportez-vous à la section blabla », « Pour plus d’infos, voir section blabla », « La section blabla contient de plus amples informations à ce sujet », « Pour obtenir plus d’informations, consultez la section blabla », « Lisez la section blabla pour en savoir plus à ce sujet », etc., etc. Admirez la créativité.)

Toutefois, ce mode collaboratif pose quand même quelques petits problèmes :

1. D’un point de vue purement technique, le système n’est pas très souple, puisqu’on est obligé, pour travailler, d’être en ligne. Le moindre pépin avec son FAI – ou avec l’hébergeur du serveur de MT (mémoire de traduction) – et on se retrouve coincé.

2. Les systèmes s’améliorent bien sûr avec le temps, mais il m’est déjà arrivé de perdre un temps précieux parce que le serveur avait du mal à gérer les requêtes simultanées des utilisateurs. Si on doit attendre ne serait-ce que 10 secondes entre deux segments, imaginez le temps perdu sur un document de 100 pages.

3. Certaines agences utilisent un format de mémoire « propriétaire », ce qui signifie que l’on doit se familiariser avec plusieurs logiciels ou interfaces et, dans certains cas, que l’on passe pas mal de temps à aller activer/désactiver des macros dans Word quand on passe d’un document à un autre.

4. Travailler en temps réel signifie perdre le bénéfice de la relecture. En tout cas, dans un premier temps. Quand les mémoires de traduction sont alimentées (ou mises à jour) a posteriori, c’est-à-dire sur la base d’une traduction finalisée (et donc relue, corrigée et validée), les coquilles, fautes d’orthographe et autres petites erreurs ont – en principe – été éliminées. La base de travail dont on dispose pour la suite est donc théoriquement fiable. Dans le cas de la collaboration en temps réel, on ne dispose que d’une mémoire dite « de travail », qui contient encore toutes ces petites imperfections – et grosses boulettes. Celles-ci peuvent donc plus facilement se répercuter sur plusieurs documents et le risque qu’elles passent inaperçues dans l’un ou l’autre augmente. Sans compter que tous les traducteurs ne font pas preuve du même sérieux dans leurs recherches.

5. Certaines agences exigent une correspondance exacte entre les traductions des différents traducteurs (puisqu’à la base, c’est le but de la mémoire collaborative), ce qui signifie que l’on n’est pas censé modifier les traductions existantes sauf erreur manifeste. Dans la pratique, on se trouve donc parfois dans l’obligation de valider une traduction certes correcte mais pas optimale, voire de faire un « puzzle au marteau » pour arriver à intégrer la phrase de quelqu’un d’autre dans son propre texte, chaque traducteur ayant son style propre et sa manière de dire les choses.

Bref, l’idée n’est pas mauvaise mais le système reste améliorable. En attendant, les traducteurs devront faire preuve de patience et de vigilance et les bureaux de traduction peut-être d’un chouïa de souplesse en plus…

La traductrice sort sa calculette

Arg. Un prospect (un nouveau client en puissance, donc) me demande mes tarifs. A la page. De 1500 frappes. Euh… C’est que, en bonne utilisatrice de mémoires de traduction, je fonctionne au mot, moi. Et l’algèbre, ce n’était pas précisément ma matière de prédilection en mathématiques (j’étais beaucoup plus forte en trigonométrie et en géométrie, en vrai). Me voilà bien embêtée. Et je ne dois pas être la seule.

Heureusement, chez les traducteurs, on trouve des gens vraiment sympas. Donc certains sont même plutôt des matheux. Et des pros de l’informatique. Et des altruistes. Comme Fabio Salsi, qui a mis au point un convertisseur de tarifs de traduction et le met à la disposition des autres traducteurs sur son site web.

Voilà qui devrait nous épargner bien des maux de tête…

Dans la même veine, il y a aussi le site d’Alessandra Muzzi, qui propose même une feuille de calcul Excel à télécharger et à personnaliser…

To test or not to test ?

Parfois, je me souviens que ce blog est – aussi – censé parler de traduction. Alors, allons-y.

Céline Graciet abordait hier sur son blog l’épineuse question des « remises sur volume » que demandent de plus en plus de bureaux de traduction. Je ne vais pas m’étendre sur le sujet, ceux qui me connaissent savent ce que j’en pense (sensiblement la même chose Céline, d’ailleurs). Pour les autres : je n’en pense rien de bon. Voilà, c’est dit.

Une autre question se pose aussi souvent : le test. Doit-on ou non accepter de faire un test gratuit pour de nouveaux clients ? Dilemme, dilemme. Je dirais spontanément que ça dépend de beaucoup de choses : de l’expérience du traducteur, de son volume de travail, du type de traduction, du client final… Mais en ce qui me concerne, la réponse est généralement non. Même si, comme la plupart des traducteurs, au début, j’ai accepté et même si, comme la plupart des traducteurs, c’est comme ça que j’ai décroché mes premiers contrats.

Je disais donc qu’en principe, et par principe, je refuse de passer des tests. Il y a plusieurs raisons à cela. Mais ne soyons pas hypocrites, je suis bien consciente de me trouver dans une situation privilégiée :

1) J’ai – la très grande chance d’avoir – du travail. Je ne suis pas activement à la recherche de nouveaux clients. Ca aide à avoir des tas de principes sur ce qu’on accepte ou pas.

2) Je suis sur le marché freelance depuis 9 ans et j’ai des références assez solides. Je pars du principe que ça doit pouvoir suffire. Et d’ailleurs, généralement, ça suffit. Mais j’ai débuté, aussi, avant. C’est loin, mais je m’en souviens encore un peu.

Les « contre » Les « pour »
Pour reprendre l’exemple bien concret du plombier cité par un lecteur de Céline dans le contexte des remises : je n’ai pas demandé à mon plombier de me faire une ristourne sous prétexte qu’il a placé plusieurs tuyaux chez moi, mais je lui ai aussi payé tous les tuyaux, y compris le premier qu’il a posé. Pour certaines agences et pour certains clients, ça reste une condition sine qua non. Et ce ne sont généralement pas les moindres. Refuser de passer un test, c’est parfois risquer de se priver d’un volume important de travail.
Les bureaux ne donnent pas toujours suite aux tests. Non pas parce qu’ils ne sont pas satisfaits des résultats, mais parce que dans certains cas, leur but est d’étendre « préventivement » leurs bases de données fournisseurs. Ils ne sont donc pas pressés de faire corriger les tests. Et dans certains cas, les tests tombent purement et simplement aux oubliettes. Ca s’est déjà vu. Quand on débute, ça peut être intéressant d’obtenir un retour d’information pour savoir où l’on se situe. Mais rien n’empêche, cela dit, de demander au bureau de renvoyer les traductions une fois corrigées. Je le fais d’ailleurs encore régulièrement, quand j’ai un nouveau client ou quand je fais une traduction sur un sujet dont je n’ai pas l’habitude.
Certains bureaux peu scrupuleux s’offrent des traductions à l’œil en les divisant en « tests ». Heureusement, ça reste rare. Pour rappel, un test doit être petit (si on vous propose un test gratuit de 1.000 mots, il y a de bonnes chances pour que ce soit de l’arnaque), porter sur un texte général ou directement lié à un de vos domaines de spécialisation (ça ne doit pas être une traduction hyper technique sur un sujet auquel vous ne connaissez que dalle et qui va vous demander trois jours de recherches intensives), et ne pas être un travail qui sera facturé à un client (généralement, les agences puisent dans leurs anciens travaux et proposent d’ailleurs le même texte à plusieurs candidats).

Les agences auraient d’ailleurs elles aussi de bonnes raisons de ne pas faire passer des tests.

1) Les tests coûtent de l’argent : pas de client final, pas de recettes. Le traducteur n’est pas rémunéré, d’accord, mais le correcteur, oui. Si c’est un freelance, il faut le payer et si c’est un salarié, il n’est pas « productif » pendant qu’il relit les tests.

2)  J’ai plus d’une fois été contactée par de jeunes traducteurs me demandant de corriger leurs tests avant qu’ils les renvoient à l’agence. Dans certains cas, il s’agissait de bons travaux de bons traducteurs seulement un peu anxieux. Dans d’autres… euh… a bit less so. Je refuse d’ailleurs généralement, estimant que l’agence serait franchement trompée sur le produit. Je trouve que ça serait en soi un argument suffisant pour ne pas avoir recours à des tests.

3) Les tests ne se font généralement pas dans des conditions réalistes. Dans la mesure où il s’agit d’un travail non rémunéré, difficile de fixer des délais stricts. Par contre, 15 jours, ou même une semaine, pour traduire 300 mots, ce n’est pas un grand défi. Et dans certains cas, la traduction finalisée se trouve telle quelle sur Internet.

À méditer…

Plains le dos…

… du malheureux traducteur.

La traduction est un métier dangereux. Si. Avez-vous déjà pensé à tous les périls qui nous guettent dans notre bureau ? Et je ne parle même pas du danger – pourtant bien réel – d’accident dans les escaliers ou de crise de nerfs dans le cadre de certains travaux ou des relations avec certains clients. Non. Je pense plutôt troubles musculo-squelettiques, vertèbres coincées et fatigue oculaire.

À cet égard, le site Prometheus propose une formation (en anglais uniquement) assez intéressante sur l’ergonomie du bureau, remplie de conseils de bon sens.

Après avoir regardé ce diaporama, j’ai commencé à examiner mon poste de travail – et ma posture – d’un œil critique. Euf. Le siège, c’est ok.  Il n’y a qu’un souci. Je ne sais pas si c’est inné ou acquis, mais je suis absolument infichue de m’asseoir correctement. C’est plus fort que moi : il faut toujours que je m’asseye en tailleur ou que je replie une jambe façon flamand rose. Donc, le dos parfaitement droit, les pieds bien à plat sur le sol et les genoux pliés à 90°, on oublie. De toute façon, comme dirait l’ostéo, pouvoir s’asseoir n’importe comment, c’est plutôt bon signe.

En revanche, je vois une réelle différence depuis que j’ai revu la position et le réglage en hauteur de mon écran en suivant leurs conseils. Et puis j’ai aussi réorganisé mon plan de travail en rapprochant tout le matériel nécessaire et en faisant disparaître le reste (bon, d’accord, j’ai tout fourré dans un tiroir, mais je ne désespère pas de ranger ledit tiroir un jour…)

Ah oui : à la fin de la formation, il y a un jeu permettant de gagner un massage pro. Le seul problème, c’est qu’ils ne disent pas si c’est le thérapeute – américain – qui se déplace ou le gagnant du concours…

La Schtroumpfette à lunettes de la traduction

Hier, je lisais avec amusement le « Journal d’une apprentie traductrice, volet 1 » de Marie, « blogueuse invitée », sur le site Naked Translations de Céline Graciet. Elle y raconte son premier contact avec la traduction et sa perplexité d’enfant, quand elle a appris qu’Enid Blyton, la maman – entre autres – de Oui-Oui était anglaise. Comment, alors, se faisait-il que Oui-Oui, lui, parle français ?

Beaucoup d’entre nous ont sans doute été confrontés, un jour où l’autre, à l’un de ces petits événements, souvent complètement anodins, qui font que l’on veut devenir docteur ou pompier ou policier ou facteur ou danseuse étoile ou traducteur « quand on sera grand ».

Dans mon cas, « l’événement déclencheur » est moyennement romantique et pas forcément très glamour.

Mon intérêt pour les langues remonte au cours d’initiation à l’anglais que j’ai eu l’occasion de suivre pendant deux ans en primaire. C’était plutôt marrant. On a même fait un échange avec une école écossaise. Logiquement, arrivée dans le secondaire, j’ai choisi l’anglais comme première langue étrangère. Puis j’ai fait du latin, aussi. J’aimais bien le latin (oui, je suis une grande rigolote devant l’éternel, mais j’assume de mieux en mieux). Du coup, j’ai eu envie de faire du grec ancien. Dans l’intervalle, j’avais commencé le néerlandais. Puis j’ai ajouté l’allemand en troisième langue étrangère. J’ai fait maths 5h aussi (ben ouais, j’aimais bien les maths – je suis comique, j’vous dis), mais c’est moins pertinent pour ce qui nous intéresse.

Un jour, notre prof de grec a eu l’idée saugrenue de nous initier aux règles de base des mutations consonantiques. Et à partir de là, les cours de langue, d’amusants, sont devenus passionnants. Notamment grâce à la grande proximité de l’allemand et du néerlandais. Armé de ces règles de base, on peut établir beaucoup, beaucoup de correspondances entre les deux langues et deviner des tas d’équivalences (bon, ok, une fois la petite crise d’euphorie passée, on se rend compte que ce n’est pas aussi simple que ça, mais, à 15 ans, on est encore jeune et naïf et un peu bête). Avec l’anglais, aussi, même si c’est un peu moins évident. On voit nettement mieux, par exemple, comment on passe de father à vader à Vater (où le « V » se prononce « f »).

Du coup, j’ai eu envie de faire de la linguistique appliquée. Mais à moins de faire de la recherche (et les places sont très chères), je ne voyais pas beaucoup de débouchés (normal : il n’y en avait pas beaucoup, non plus). Prof de langues, bof. Et puis le franc est tombé : à bien y réfléchir, la traduction, finalement, ça ressemble quand même drôlement à de la linguistique appliquée appliquée (oui, il y a deux fois « appliquée », mais c’est exprès), l’aspect culturel des choses en plus (mais bon, l’aspect culturel dans le mode d’emploi d’aspirateur, ça reste un sujet de thèse à explorer). Que fait-on d’autre que d’examiner, de comparer et de mettre en œuvre les mécanismes des langues ? Mmmm ? Je crois que c’est d’ailleurs ce qui me plaît le plus, dans ce métier : l’impression d’avoir à disposition une palette d’outils que je peux assembler/désassembler à l’infini, au gré de mes envies, pour dire tout et son contraire.

Donc, en gros, si je suis devenue traductrice, c’est à cause de mon village Lego ! CQFD.

 LG9065

 

NB à l’intention des nouveaux lecteurs éventuels de ce blog : d’habitude, je suis un tout petit peu moins pénible. 

Fière !

OUIIIIIIIII, il est sorti !!!


Bon, ocollaboré sur ce projet, j’en suis sûre). J’en ai les larmes aux yeux, tiens. Comme à chaque fois que j’ai entre les mains la version imprimée d’un truc que j’ai fait. Enfin… Ca me touche nettement moins quank, j’en ai traduit un peu plus de six pages sur 203. Mais c’est quand même un tout petit peu le bébé à sa maman, hein (ce que doit aussi ressentir la douzaine d’autres traducteurs qui ont d c’est un mode d’emploi de mixer ou une étiquette de produit détergent, j’avoue. D’autant que les sujets abordés dans cette revue me touchent beaucoup. Et puis, c’est la première fois de ma vie que mon nom apparaît dans un VRAI livre. Parce qu’en plus la patronne du bureau de traduction qui a coordonné le projet nous a fait l’amitié de mentionner nos noms, au lieu de mettre « Traduit par le bureau XXX SPRL », ce qui n’aurait été que normal. Alors, Nancy, j’en profite pour te remercier encore une fois ! Je sais que ce n’est pas toujours possible, que c’est souvent pas évident et que ce n’est parfois pas souhaitable. Mais pour une fois que c’est le cas, je n’ai pas l’intention de bouder mon plaisir !

Ceci dit, et pour parler d’autre chose que de moi pendant deux lignes, si les questions relatives au développement durable et à la coopération avec les pays du Sud vous intéressent, je vous recommande franchement Alternatives Sud ! (en plus, c’est bien traduit !)

Un soupçon d’analyse financière…

Dans un billet précédent, j’évoquais mes débuts dans la jungle traductionnelle. J’aimerais y revenir (pas trop) brièvement. Et mon petit doigt me dit que ce ne sera pas la dernière fois.
Bon, autant vous prévenir tout de suite : ce billet risque de ne pas être très drôle, puisqu’il aborde un certain aspect des réalités économiques du métier de traducteur indépendant.

L’un des grands changements que j’ai pu constater dans ma jeune carrière, c’est la diversification de ma clientèle depuis ces 6-7 dernières années. Pour me faire une meilleure idée de la situation, je me suis amusée à créer de petits camemberts dans Excel. C’est bien, les camemberts Excel. Et puis ça fait toujours son petit effet.

En 1998, j’avais un (1) client en traduction (le bienheureux bénéficiaire du cours SAP post-édité, pour ceux qui suivent). En 2006, j’ai travaillé pour 18 bureaux. Depuis neuf ans, parmi tous les clients que j’ai vu défiler, un grand nombre sont devenus des clients fidèles et certains sont restés des clients ponctuels. Et puis il y a un certain nombre pour lesquels j’ai arrêté de travailler (généralement en raison de retards de paiement très prolongés – tous « dus au client final », bien sûr, vu qu’il n’y a pas de mauvais payeurs dans la profession, c’est bien connu – ou d’une attitude peu professionnelle de leur part – comme le client d’hier après-midi, qui voulait que je lui révise une traduction technique de deux mille mots allemand-français en une demi-heure.)

Mais à mieux y regarder, mon carnet de commandes n’est vraiment équilibré que depuis 2004. Avant cela, il y avait toujours un client qui dominait très clairement le tableau. Enfin, le camembert. Ainsi, en 1998, 1999 et 2000, la très grande majorité de mes traductions m’ont été commandées par un seul et même bureau. Les travaux effectués pour les autres agences ne sont que quantités négligeables. En 2001, deux autres « gros » clients entrent en piste. C’est déjà mieux. Mais pas encore assez diversifié. D’autant que l’année qui suit, je retombe dans mes travers en me concentrant à nouveau sur un seul client au détriment des autres. A peu près pareil en 2003. Après, manifestement, j’ai redressé la barre (mais bon, j’ai mis un terme à mes carrières « annexes » en 2003, il faut dire).

Depuis trois ans, je travaille donc pour davantage de clients, avec trois-quatre agences qui tiennent le haut du pavé. Mais avec une marge de sécurité suffisante pour ne pas me trouver en difficulté le jour où l’une d’elles fermerait ses portes. Car c’est bien là que je veux en venir, avec mes camemberts. Je me rends compte qu’instinctivement, j’ai fait ce qu’il fallait. Mais je pense aussi qu’il est important d’attirer l’attention des « jeunes » traducteurs (écoutez la vieille qui parle, ici !) sur l’importance de diversifier ses sources de revenus. Pensez aux sous-traitants de VW Forest qui ne travaillaient pour cette méga-usine parce qu’elle leur fournissait assez de travail. Il n’y a plus qu’à espérer pour eux que l’Audi A3 utilisera les mêmes composants que la polo…

 

You know what, folks? I’m happy!

Ca vient de me frapper là, bing bang, comme un retour de boomerang. Le 10 juillet prochain, il y aura 9 ans jour pour jour que je signais mon tout premier contrat avec un bureau de traduction. Et que je recevais ma première commande. Un truc délirant. Un cours SAP d’environ 100 (petites) pages à « post-éditer » (sprich le texte avait été prétraduit par un logiciel automatique de type « systran », enfin « logos » en l’occurrence, et il fallait « repasser dessus » pour qu’il ressemble à quelque chose et, idéalement, à la version française du texte source). J’ai cru mourir quand j’ai appris que je n’aurais « que » 10 jours pour boucler le job. Je revois ma tête dans le miroir de ma chambrette chez mes parents. Une traduction de 100 pages, c’est ce qu’un étudiant de dernière année doit produire pour son travail de fin d’études dans mon ancienne école. Généralement, on y consacre environ un an. Mais bon, on n’y travaille pas à temps plein, non plus. Cette première traduction, j’y ai travaillé comme une malade, jour et nuit, littéralement. Et j’y suis arrivée. Tout juste. Je l’ai renvoyée à 5 heures du matin le jour dit. Bon, OK, je l’avais relue au moins trois fois. Au moins. Et grand bien m’en a pris, puisque la PM de mon client, un grand bureau bruxellois, a été « agréablement surprise » de la qualité de mon travail. Aujourd’hui encore, ce bureau compte parmi mes meilleurs clients, même si je ne traduis plus de cours SAP. Depuis, j’ai appris à travailler plus vite et surtout à re-la-ti-vi-ser. Quoique.
Quelques mois plus tard, je faisais mes premiers pas dans le monde de l’interprétation professionnelle, après avoir réussi mon examen d’entrée dans une institution européenne que je ne citerai pas (vous savez, là, la toute grosse qui dirige tout depuis son bâtiment désamianté du rond-point Schuman à Bruxelles). Monde que je me suis dépêchée de quitter dans les années qui ont suivi, d’ailleurs. Trop strass/stress et paillettes pour moi, sans doute. Je m’accommode mieux de la solitude de mon petit bureau… Je suis un petit animal sauvage. Et ma paix n’a pas de prix. Même celui d’un eurocrate freelance.
J’ai aussi fait un petit détour par la case « enseignement », en dépannage. Mais, ça non plus, ce n’était pas mon métier. Même à lÉcole d’interprètes. Même pour donner les cours d’interprétation allemande. De toute façon, comment enseigner un exercice que l’on ne pratique plus soi-même et comment susciter de l’engouement pour une profession que l’on a abandonnée faute de passion ? Hein, franchement ? Il y a des personnes beaucoup plus qualifiées que moi pour ça.
Non, en fait, quand je regarde en arrière, je suis assez satisfaite de mon parcours. Je travaille aujourd’hui pour une douzaine de bureaux de traduction (ayant fait le choix, bien plus reposant, de ne pas démarcher directement auprès des entreprises), à partir de trois langues sources. Mon planning est bouclé – ou à peu près – plusieurs semaines à l’avance. Je fais un métier qui me passionne (la plupart du temps, en tous les cas). Je travaille dans mon propre bureau, à mes conditions, aux horaires qui me conviennent (enfin… presque). Et je peux même m’offrir le luxe de refuser les travaux qui ne m’agréent pas. Sincèrement, si c’était à refaire, je pense que je referais tout pareil. Avec les mêmes détours, les mêmes raccourcis et les mêmes erreurs. Pareil. Je suis une traductrice heureuse, je crois. Non, je suis sûre.

La vie est un long fleuve impétueux

Ce que j’adore dans la traduction, c’est que chaque jour ou presque, on a l’impression de faire un métier différent. Chaque jour, il faut se réinventer, relever de nouveaux défis, faire face à de nouvelles exigences, se mettre dans la peau d’un autre client (ou d’un autre lecteur). Un peu comme un acteur qui change de rôle. En bref, les jours passent et ne se ressemblent pas, et c’est sans doute cela qui nous permet de faire ce métier longtemps, longtemps, longtemps – j’espère.

Il y a quelques semaines, une agence m’a demandé de traduire deux extraits de romans, l’un d’un auteur autrichien, l’autre d’un auteur allemand. N’étant pas à proprement parler une traductrice littéraire (les manuels de lave-linge, c’est généralement moyennement inventif question style), j’ai longuement hésité. Comme ces deux textes n’étaient pas destinés à une publication, mais uniquement à informer les auditeurs d’une lecture publique (en allemand) du contenu des deux œuvres et que le délai était plus que raisonnable, j’ai fini par accepter.

A vrai dire, c’était un peu le fantasme de toute traductrice/tout traducteur qui se réalisait pour moi. Demandez à n’importe quel étudiant en traduction ce qu’il voudrait faire plus tard, vous avez 9 chances sur 10 de vous entendre répondre « de la traduction littéraire ». Jeune inconscient ! D’une part, la traduction littéraire représente un marché extrêmement spécialisé et restreint, dont il est très difficile de vivre. D’autre part, elle constitue, selon moi, un métier complètement à part. Les traducteurs littéraires sont avant tout des écrivains, des poètes, des romanciers, qu’ils publient leurs propres œuvres ou non. Rien à voir avec le commun des (traducteurs) mortels.

Cette expérience s’est révélée encore beaucoup plus enrichissante que prévu, car il m’a fallu réfléchir à l’approche que j’allais adopter pour traiter ces textes. Il m’a semblé clair dès le départ que mon approche habituelle n’allait pas pouvoir s’appliquer ici, puisque je traduis essentiellement des documents techniques et des brochures de marketing. Je dois donc généralement m’efforcer dans le premier cas de rester claire et concise et, dans le second, de donner envie aux lecteurs de s’intéresser aux produits ou services proposés par le client. Pas grand-chose à voir, donc, avec de l’orfèvrerie stylistique. Alors comment faire ? J’ai décidé que je devais orienter mon travail sur le ressenti. Les textes français devaient susciter chez leurs lecteurs les mêmes émotions que les extraits originaux chez des lecteurs germanophones. Pour cela, j’ai dû travailler sur le rythme des phrases (un style sec et nerveux dans le premier cas, policé et très construit dans le second) et sur le choix du vocabulaire (courant, voire familier, pour l’un, élaboré pour l’autre). Le tout a été relu moultes fois par mon linguiste de mari, philologue et donc beaucoup plus « orienté » littérature que moi. Le résultat ? Honnête vu l’usage destiné aux textes. Très loin d’une traduction littéraire virtuose prête à une publication chez Gallimard. Mais ce n’était pas non plus le but recherché par le client.

Ce que je retiens de ce travail, outre le fait que le défi passionnant, c’est qu’il a été pour moi l’occasion de réfléchir à mon métier. Et ce genre d’occasion me semble suffisamment rare pour être soulignée !