On fèt todi on drôle di mesti…

Pour les non-Liégeois parmi vous, littéralement : « on fait quand même un drôle de métier ».

« Drôle de métier », c’est aussi le titre d’une rubrique de l’excellent blog de Céline Graciet (Naked Translations), sous laquelle elle publiait, il y a quelques jours, un billet qui m’a interpelée : « 10 situations pas commodes dans lesquelles une traductrice risque de se retrouver et comment s’en sortir« .

Comme beaucoup de traducteurs sans (aucun) doute, j’ai rencontré au moins une fois la plupart des situations décrites. Et comme beaucoup de traducteurs sans (aucun) doute, j’ai appris à détecter les coups « foireux » au fil des années, ce qui ne veut pas dire qu’il ne m’arrive plus de me « faire avoir ». Mais cela devient de plus en plus rare.

Je ne vais pas reprendre ici les points abordés par Céline, mais je conseille vivement aux traducteurs, débutants ou non, d’aller faire un petit tour sur son site, histoire de tirer des leçons des expériences – parfois désastreuses – des autres ou de se rafraîchir la mémoire.

Bien sûr, la liste n’est pas exhaustive. Personnellement, j’ajouterais peut-être quelques conseils supplémentaires comme :

1) Toujours proposer un délai en jours ouvrables (préciser « OUVRABLES », pour éviter de se retrouver à travailler 12 heures par jour, 7 jours / 7, « à l’insu de son plein gré ») et non une date-butoir. Certains d’entre vous connaissent sans doute cette situation : on vous propose le lundi matin un travail de 10.000 mots en vous demandant votre meilleur délai. Naïvement, vous répondez que vous pouvez livrer, disons, le jeudi soir. La confirmation de la commande arrive le mercredi à midi, et il vous reste 1 jour et demi pour traduire les 10.000 mots en question parce que votre futur ex-client n’entend pas modifier le délai que vous lui avez vous-même proposé (et pourquoi le ferait-il, d’ailleurs ?).

2) A ce propos, deuxième mesure de sécurité : TOUJOURS préciser une date limite de validité de l’offre. Vous êtes freelance, vous ne pouvez pas vous permettre d’attendre une réponse pendant trois jours, voire plus, sans accepter de travail dans l’intervalle, et sans savoir si, en définitive, le client choisira ou non de vous confier la traduction. A l’inverse, vous n’avez aussi que 24 heures dans une journée, et il peut donc être difficile de « caser » une commande confirmée tardivement si vous avez accepté d’autres missions dans l’intervalle. Il est toujours possible de faire preuve d’un peu plus de souplesse quand on a affaire à un « bon » client que l’on sait sérieux.

3) Refuser de calculer un nombre de lignes sans inclure les espaces dans le nombre de frappes. Ce conseil rejoint un peu celui de Céline sur les noms de marques, adresses, etc. Personnellement, en termes d’efforts, je ne vois pas trop la différence entre appuyer sur la barre d’espace ou sur la touche « A » de mon clavier, par exemple. Un collègue rapportait il y a quelque temps sur une liste de diffusion que dans ce cas-là, il avait accepté la proposition et rendu le travail sans espace. Cette solution est peut-être un peu extrême, mais avouez qu’elle est séduisante. Un autre collègue a eu une idée cocasse et assez géniale pour faire comprendre l’ineptie de la chose à son client. Il lui a demandé de traduire en français « depenisvanjesus » (soit « le stylo appartient à Jésus » ou… pas besoin de comprendre le néerlandais pour deviner l’autre sens possible de cette suite de caractères…)

4) Dans la série « Vos tarifs sont élevés. Normalement, on paie nos traducteurs xxx », j’aurais tendance à rappeler que, dans la plupart des transactions commerciales, c’est le vendeur qui fixe le prix, et que le client est libre de le refuser et d’aller chercher mieux pour moins cher ailleurs. Je sais qu’il est très difficile de dire non à ce genre de chantage, surtout quand on débute, mais n’oubliez pas qu’il est plus facile de baisser son prix tout de suite que de l’augmenter plus tard. Et puis si vous ne vous respectez pas vous-même en tant que traducteur professionnel, ne vous attendez pas à ce que les autres le fassent. Ce qui ne veut pas dire n’ont plus qu’on doive appliquer des tarifs exorbitants pour montrer à quel point on est génialissime, hein, entendons-nous bien ! Mais, pour la plupart d’entre nous, nous ne sommes pas non plus de purs esprits, et il nous faut donc nous loger, nous chauffer, manger, nous vêtir…

5) Pour ce qui est des promesses alléchantes de gros volumes à traduire moyennant réduction de vos tarifs ou des demandes de remises sur volume, ne perdez pas de vue que plus le travail que vous acceptez est volumineux, plus la période pendant laquelle vous vous « couperez » du marché sera longue, au risque de mécontenter certains clients ou d’être complètement oublié par d’autres. Ca mérite bien une petite compensation, non ? Et puis… quand vous achetez trois lots de yaourts au supermarché, vous ne demandez quand même pas une réduction à la caisse sous prétexte que vous auriez pu n’en prendre qu’un, si ?

D’autres conseils ?

 

La petite vidéo du vendredi

Allez, c’est vendredi, le soleil brille, les petits oiseaux chantent et je ne peux résister à l’envie de poster à mon tour cette petite vidéo (en anglais) très comique qui illustre assez bien un problème bien connu des traducteurs indépendants, déjà évoqués ailleurs.

 

D’ores et déjà un bon week-end à tous !

 

PS : cette vidéo, je l’ai chipée à mon collègue Percy Balemans, sur son blog Translating is an art. Enjoy!

Le top 5…

… des préjugés complètement à côté de la plaque déjà entendus à propos des traducteurs indépendants (et autres indépendants, d’ailleurs)… (outre ceux-ci, bien sûr)

1) Vous autres, les indépendants, vous arrivez toujours à vous arranger, hein (regard appuyé – suivi ou précédé d’un clin d’oeil – et sourire plein de sous-entendus)
C’est de loin celui qui m’irrite le plus. Depuis neuf ans, je n’ai pas fait une seule traduction sans facture. Ah si, une. Pour une vieille voisine de mes parents. Ancienne « travailleuse forcée », elle ne comprenait pas le courrier que lui avaient envoyé les autorités allemandes concernant une pension à laquelle elle avait droit. Et j’avoue, j’ai accepté le ballotin de pralines (une boîte de chocolats, c’est tout de suite moins bon) qu’elle m’a offert en guise de paiement. J’ai fraudé, c’est ma faute, c’est ma très grande fraude. Mea maxima culpa. Pour le reste, je tiens mes archives et ma comptabilité à la disposition du contrôleur des impôts.
A toutes fins utiles, rappelons que s’il y a des indépendants qui travaillent en noir, c’est aussi parce qu’il y a des clients qui acceptent (voire qui demandent) que l’on travaille en noir pour eux, hein. Bon. Question suivante.

2) Comment ça, vous ne traduisez que vers le français ??? Mais vous êtes traductrice, quand même ???
Ben oui, justement. Je ne maîtrise (à peu près) qu’une seule langue. La mienne. C’est la seule dont je connaisse (à peu près) les nuances. La seule dans laquelle je raconte des blagues, dans laquelle je peux inventer des jeux de mots et dans laquelle je peux vraiment exercer mon esprit de répartie (sauf traits de génie ponctuels – très ponctuels). C’est celle dans laquelle je compte spontanément, aussi (mais bon, je n’ai pas fait maths fortes, non plus). Bref, c’est ma langue maternelle. Je n’ai pas la chance de faire partie des surdoués qui évoluent avec autant d’aisance dans deux, voire trois langues. Je suis normaaaaaale, bouh-ouh-ouh.

3) Tu as de la chance, toi, tu peux t’organiser pour ton boulot…
C’est assez relatif. En période d’activité intense, j’ai surtout la liberté de commencer à 6 heures et de terminer à minuit, voire plus tard. OK, ce n’est pas tous les jours, mais ça arrive. Je suis libre de travailler le week-end, aussi. Pour le reste, j’ai aussi 24 heures dans une journée. Et si je dors moins de 8 heures, il ne faut rien me demander. Rien. Et puis je mange, aussi. Beaucoup. Souvent. Si j’ai du boulot pour 12 heures, ça laisse assez peu de marge… Ce qui me laisse toujours avec cette question : comment font les autres ??? (et encore, depuis le début de notre vie commune, mon cher et tendre prend absolument tout en charge dans le ménage. Toutes les femmes n’ont pas la même chance. Sans compter que nous n’avons pas d’enfants.)

4) Tu as de la chance, tu n’as pas de patron.
Ni de congés payés, d’ailleurs. Mais bon, passons. C’est vrai que c’est une chance de ne pas avoir de patron. Ni de collègues de bureau. Pas d’éléments perturbateurs, quoi. Comme disait une collègue, c’est assez sympa de pouvoir traîner en pyjama ou en vieux survêt’ toute la journée, mais là où il faut se méfier, c’est quand on commence à inviter le livreur d’ABX ou de DHL à prendre une tasse de café parce que c’est la seule personne qu’on a vue de la journée. Effectivement, là, ça craint. Etant assez peu sociable par nature, cela ne me pose pas trop de problème, mais il faut pouvoir. Et il faut veiller à cultiver des liens sociaux par ailleurs, sinon on devient assez vite « ours ». Et non, je ne suis pas en pyjama (ni en vieux survêt’).

5) …
Je laisse faire votre imagination…